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Brigitte FONTAINE Date de naissance : 1940 |
Depuis ses débuts dans la chanson, Brigitte Fontaine sème malicieusement tous ceux qui cherchent à la cataloguer. Impossible ! Diva surréaliste ? Poétesse délirante? Qui êtes-vous Brigitte Fontaine ?
C'est au nord de la Bretagne, à Morlaix, que naît Brigitte Fontaine en 1940. Ses parents sont tous deux instituteurs, ancrés dans la tradition laïque depuis des générations.
Bien avant la musique, sa passion dès l'enfance est le théâtre. Solitaire et passionnée, elle dévore de nombreuses pièces et joue dans des troupes amateurs à Morlaix et Brest. A 12 ans, un directeur de troupe la repère, mais ses parents refusent qu'elle quitte si jeune l'école pour le théâtre.
Au début des années 60, son baccalauréat en poche, Brigitte débarque à Paris, bien décidée à monter sur scène. Elle prend des cours d'art dramatique mais finalement, c'est la chanson qui prend le dessus. On la voit dans les cabarets de la Rive Gauche, puis aux Trois Baudets à Montmartre. A La Grande Séverine, elle chante Boris Vian, et à Bobino, elle assure quelques premières parties. En 63, on l'aperçoit même à la télévision dans "Les Mardis de la chanson". Cultivant déjà un style fantasque et décalé, Brigitte Fontaine se forge très vite une indéniable notoriété dans le milieu du spectacle.
En 1964, elle monte une pièce à la Vielle Grille, "Maman j'ai peur" avec deux jeunes artistes, Rufus et Jacques Higelin. La rencontre Higelin-Fontaine marque pour l'un et l'autre un fait majeur. Outre l'intense amitié qui naît entre eux, démarre une complicité artistique et humaine toujours d'actualité 30 ans plus tard.
Comme Fontaine, Higelin est en quête d'expériences musicales et théâtrales inédites. D'ailleurs, "Maman j'ai peur" explore déjà largement les voix du "happening", figure de style qui explore le principe de l'improvisation et de la spontanéité. La pièce fonctionne très bien et la troupe déménage pour une salle plus grande, le Théâtre des Champs-Elysées, avant de partir en tournée pendant un an.
Brigitte Fontaine et Jacques Higelin sortent un album commun en 65, "Douze chansons avant le déluge"(découvrez les chansons de Brigitte dans: "17 chansons décadentes et fantasmagoriques"), produit par Jacques Canetti, propriétaire du cabaret les Trois Baudets et découvreur de talents (Gréco, Brel, Brassens). Dans un style proche de la dérision cynique d'un Serge Gainsbourg ou d'un Boris Vian, les deux artistes font ensemble leurs premiers pas discographiques.
En 68, Brigitte sort un premier album solo, "Brigitte Fontaine est folle", réalisé avec la collaboration du musicien et arrangeur Jean-Claude Vannier. Tendre et délirante, Fontaine s'inscrit d'emblée comme une artiste indépendante, hors mode et hors norme.
C'est à cette époque, qu'elle rencontre Areski Belkacem. Ami de régiment de Jacques Higelin, Areski est un musicien algérien d'origine kabyle né en France. Immédiatement, Brigitte et Areski commencent à travailler ensemble.
Sur des musiques d'inspiration arabe, la chanteuse écrit de nombreux textes et à leur façon, ils créent un répertoire précurseur de la world music. En outre, avec Higelin, ils forment un trio qui pendant plusieurs années va faire les beaux jours du théâtre expérimental.
Dès 68, ils montent "Niok", un spectacle en grande partie improvisé et qui reste des mois à l'affiche. Enfin, en cette année de troubles socio-politiques, Higelin et Fontaine écrivent la musique du film "Les encerclés" de Christian Gion. Extrait de la bande originale, et paru uniquement sur 45 tours, le duo "Cet enfant que je t'avais fait" reste encore aujourd'hui un des plus beaux titres de la chanson française des années 60.
L'année suivante, Brigitte Fontaine, désormais diva de l'underground parisien, sort son album le plus célèbre, "Comme à la radio". Fontaine conçoit et enregistre son disque avec l'Art Ensemble de Chicago, figure de proue de l'avant-garde jazz américaine. L'ensemble vit alors à Paris, et les musiciens, qui travaillent beaucoup à l'American Center du boulevard Raspail, ont sympathisé avec La chanteuse qui joue "Niok" de l'autre côté de la rue. Le 33 tours marque fortement le répertoire de la chanteuse en particulier grâce à deux titres, "Comme à la radio" et "Lettre à monsieur le chef de gare de la Tour de Carol". L'album est produit par le tout jeune label indépendant de Pierre Barouh, Saravah.
Cette année-là, l'Académie Charles Cros, récompense de son prix la qualité du travail de la jeune femme même si le succès public n'est pas franchement au rendez-vous.
En 1971, Brigitte Fontaine signe le manifeste des 343 femmes, célèbres ou non, déclarant avoir eu recours à l'avortement alors qu'il s'agit encore d'un acte illégal en France (jusqu'en 75). A de nombreuses reprises, jusqu'à aujourd'hui, Brigitte Fontaine sera présente lors de luttes politiques et sociales (les "sans-papiers", le sida). Sans jamais appartenir à un quelconque mouvement, elle se considère comme une militante très inquiète et concernée par les problèmes de son époque.
Un nouvel album solo sort en 72, "Un beau matin". Mais les spectacles du trio Fontaine-Areski-Higelin continuent ardemment, même si la collaboration avec Jacques Higelin connaît des remises en question de plus en plus fréquentes. Higelin tend de plus en plus vers un parcours solitaire et le travail d'équipe ressemble désormais plutôt à une lutte de personnalités. Lors d'une série de spectacles au Théâtre du Ranelagh, en 72, Brigitte Fontaine quitte le spectacle au bout d'un quart d'heure. Lasse de l'ambiance sur scène et dans la salle, elle traverse la scène armée d'une valise et sous les yeux de tous, disparaît à l'arrière d'une moto. Ce coup de théâtre marque pour Fontaine un exil volontaire.
Très critiquée par la profession, Brigitte Fontaine s'en moque et démarre avec son compagnon, Areski, une période plus marginale mais artistiquement toujours très riche. Quant à Higelin, commence pour lui la carrière que l'on sait.
En 1973, Fontaine et Areski sortent l'album "Je ne connais pas cet homme" et en 74, c'est "L'Incendie". Pour Brigitte Fontaine, les années 70 représentent une intense période de création musicale, théâtrale, et littéraire. C'est une époque d'épanouissement qu'elle évoque dans l'ouvrage qui paraît en 74, "Chroniques du bonheur", puis dans l'album que le couple sort en 75, "le Bonheur". Aucune ambiguïté sur son état d'esprit à cette époque.
De plus, Areski et Brigitte voyagent beaucoup et sont souvent surpris de découvrir leurs disques plus nombreux dans les bacs étrangers que dans les bacs français, et en particulier au Japon où Brigitte Fontaine connaît un vif succès public.
Toujours avec Areski, en 77, elle sort un double album de 29 titres, "Vous et nous". En 78, ils montent un spectacle entre théâtre et chanson au Lucernaire. Puis, l'année suivante, sort l'album, "les Eglantines ne sont peut-être pas formidables" et un livre, "Madelon".
Les années 80 se révèlent plus difficiles. Si Brigitte Fontaine continue toujours de travailler avec Areski, elle disparaît de plus en plus de l'actualité artistique en France. En 80, elle adapte son propre texte au théâtre, "L'Inconciliabule", sous le nom de "Acte 2". Cinq ans plus tard, le couple crée un nouveau spectacle, "Made in France" au Théâtre de Paris. Ensemble, ils sont présents sur de nombreux festivals théâtraux. Seule, Brigitte sort la même année un nouveau roman "Paso Doble". Avec Higelin, elle collabore à quelques expériences jazz. Mais concernant son propre travail musical, Brigitte Fontaine reste absente du devant de l'affiche. Pourtant, elle écrit mais personne, en France, ne veut de son travail.
En 85, l'album "French Corazon" est refusé partout. Personne ne veut le produire ou le distribuer. Personne n'ose relancer la "bombe" Fontaine, trop peu commerciale selon les uns, trop dérangeante selon les autres.
Ce n'est que trois ans plus tard, et par l'intermédiaire du Japon, que la France redécouvre la chanteuse. En effet, en 88, Reïko Kidachi, productrice et journaliste japonaise travaillant à RFI, vient interviewer Brigitte Fontaine chez elle dans l'Ile Saint-Louis au cœur de Paris. Au cours de l'entretien, la journaliste apprend qu'un album est prêt ("French Corazon"), mais que la chanteuse tente en vain de l'enregistrer et de le produire. Fan de Fontaine depuis fort longtemps, Reïko Kidachi lui propose de lui apporter son aide. Elle organise une tournée au Japon, et surtout lui offre la possibilité d'enregistrer son album. Forte d'une immense énergie, Brigitte Fontaine se lance dans cette nouvelle entreprise avec succès et "French Corazon" sort en France sous le label EMI.
Parallèlement, l'album "Comme à la radio" fait une nouvelle carrière au pays du Soleil- Levant. Le Japon fait renaître Fontaine. Mais la France fait peu cas de ce retour. Outre un public fidèle, rares sont les amateurs de ce style iconoclaste et fantasque.
Le 25 octobre 1988, Brigitte Fontaine remonte pour la première fois depuis plus de dix ans sur une scène (musicale) française au Café de la Danse. Areski est à ses côtés. Quant aux médias, ils ignorent (en partie) ce qu'ils aduleront quelques années plus tard.
1988 est aussi l'année de sortie d'un nouvel ouvrage au titre toujours évocateur, "Nouvelles de l'exil". Grâce à un clip vidéo, le titre "le Nougat" connaît cependant un certain succès à partir de 1989. Elle est invitée du festival du Printemps de Bourges en avril 89. Mais, début 90, lorsque la Guerre du Golfe éclate, les sonorités arabisantes de la chanson "le Nougat" ou de "Leïla" les excluent immédiatement des programmations. La firme EMI en profite pour ne pas rééditer l'album, qui depuis a été reédité.
En 92, Brigitte Fontaine participe à "Opération Blow-Up", création du groupe musico-théâtral, Un Drame Musical Instantané. Si Brigitte Fontaine renoue petit à petit avec le public, c'est le 14 avril 93 au Bataclan à Paris, qu'elle en fait la meilleure démonstration. Ce soir-là, devant un public jeune, Brigitte Fontaine livre un show mémorable, une vraie fête pour un vrai retour. La mise en scène est signée Higelin, qui avec Areski, accompagne la chanteuse sur scène. En outre, la troupe réunie comme 25 ans plus tôt, est rejointe par Georges Moustaki et Arthur H, accordéonistes d'un soir.
Le 5 mars 94, sans aucune promotion, Brigitte Fontaine remplit cette fois la salle du Casino de Paris. Ses prestations scéniques sont tendres et agressives, contrastées et ambiguës. Comme Fontaine.
Si en 88, elle avait pu enregistrer son album grâce à une admiratrice avertie, c'est un autre fan qui produit et co-écrit son nouvel album en 95, Etienne Daho. La plupart des titres sont comme d'habitude signés Areski/Fontaine. Daho, quant à lui, co-signe le titre "Conne". Mais en tant que réalisateur, il apparaît sur quatre titres. Autour de lui, aux arrangements, à la production artistique, on retrouve également ses habituels complices, les Valentins et Arnold Turboust.
Cet album, "Genre humain", renoue réellement avec le succès public et critique. Il est dans l'air du temps, entre hip hop et raï. Les titres "Genre humain" ou la nouvelle version de "Comme à la radio" sont largement diffusés, et la presse encense la chanteuse. Toute en noire et le cheveu ras, elle offre désormais une image sévère et mystérieuse qui camoufle une personnalité pourtant si joyeuse et espiègle.
Du 31 janvier au 10 février 96, elle présente un spectacle très oriental au Café de la Danse à Paris. Puis le 3 mai, elle monte sur la scène de l'Olympia, la plus prestigieuse salle parisienne. Les festivals l'accueillent à bras ouverts (Bourges, les Francofolies de la Rochelle,…).
Enfin, à la fin de l'année, l'album est couronné par le prix Charles Cros, que Brigitte Fontaine reçoit pour la seconde fois en 30 ans de carrière. Elle est aussi récompensée par le Ministère de la culture à travers le Grand Prix national de la Chanson.
Après l'énorme médiatisation de "Genre humain", un nouvel album voit le jour plus discrètement en 97, "Les Palaces". Outre un titre co-signé Higelin ("La cour"), et un co-signé (et co-chanté) par Bashung ("City"), l'album est une fois encore le fruit de la riche collaboration du couple Fontaine/ Areski. Le ton y est plus serein que dans le précédent. Plus tendre. L'album donne lieu à une tournée qui s'arrête à Paris une semaine à l'Auditorium des Halles en novembre.
Pendant l'été 2001 apparaissent des espaces publicitaires annonçant le nouvel album de la dame excentrique : "Kékéland", le titre fait déjà sourire. Brigitte Fontaine explique à qui veut : "Kéké, c'est un peu ouf, simplet, rigolo, foufou, un peu kitsch". Nous voilà averti. L'univers déjanté de l'artiste ici très inspirée, a de quoi séduire. Poésie et loufoquerie sont les principales composantes de ses textes. Areski est toujours de la partie mais d'autres musiciens sont venus élargir l'horizon musical. Le groupe new-yorkais Sonic Youth voulait travailler avec Brigitte. Ils ont commencé par se rencontrer à Paris pour un concert d'improvisation puis en studio pour l'enregistrement de deux chansons "Demi clocharde" et "Kékéland". De son côté, la chanteuse exprimait le désir de travailler avec Noir Désir. Un simple coup de fil et les deux parties se mettent d'accord : d'un côté, un titre ré-arrangé par les soins du groupe bordelais "Baby boom boom" (qu'elle avait déjà enregistré sur "Les églantines sont peut-être formidables" en 79) sur lequel on entend la voix de Cantat et qui figure sur "Kékéland" ; de l'autre côté, sur le nouvel album de Noir Désir "Des visages des figures", la dame enregistre avec Cantat un duo de 24 minutes "L'Europe". Autre invités de marque, M qui reprend avec elle "Y'a des zazous" chanté dans les années 40 par Andrex (le premier simple de l'album) ou les Valentins dans une version pop de "Filles d'aujourd'hui". Cet album peut sembler complètement hétérogène mais Brigitte Fontaine donne ici à écouter le meilleur de sa création.
Toujours là où on ne l'attend pas, Brigitte
Fontaine est une artiste complète et complexe. Si on doit trouver un dénominateur
commun à son travail, c'est l'écriture. Théâtre, chanson, livres, cette folle
des mots fascine et intrigue.
Et s'amuse...
Un grand Merci à Radio France Internationale en général et à Catherine P. pour m'avoir permis de publier cette biographie dans cyberkéké :)